L'éducation sentimentale : FINI !

Publié le par Roman Littleson

« FINI ! mon vieux ! Oui, mon bouquin est fini ! (…) Je suis à ma table depuis hier, huit heures du matin. La tête me pète. N’importe, j’ai un fier poids de moins sur l’estomac. » Lettre de Flaubert à Jules Duplan, 16 mai 1869.

 

Et voilà, moi aussi j'ai fini le bouquin. Et cela ne s'est pas fait en un jour !

Il faut savoir que j’en suis à mon 3ème livre de Flaubert, après Madame Bovary et Salammbô. Des romans dont j’ai apprécié la lecture, mais sur lesquels j’ai également passé beaucoup de temps. Non pas parce que je prends une multitude de notes – je n’en ai pris aucune jusqu’à présent, mais je compte y remédier pour mes lectures prochaines – ou parce que je cherche à analyser le texte.  Non. C’est parce que Flaubert, ça ne se lit pas comme ça, d’une traite, distraitement, quand on est fatigué en rentrant du boulot. Non. Flaubert, ça se lit à tête reposée, quand on a le temps. Ce n’est pas de ces auteurs de gare que l’on lit quand on a cinq minutes, dans les transports, les salles d’attente ou les toilettes. Ce n’est pas du thriller avec une intrigue qui évolue à chaque page, vous poussant à lire la suivante. Flaubert, c’est long, c’est lent, ce sont des descriptions, des personnages qui évoluent, d’autres non, des désillusions. C’est un style ! Et c’est avant tout pour ce style qu’on le lit !

Revenons-en à L’éducation sentimentale. Je ne vais pas me lancer dans une analyse, chose que je ne sais pas faire, mais juste vous livrer mon ressenti. Comme je vous l’ai dit, je lis Flaubert pour son style. Un style long, lent, ennuyeux si on ne le saisit pas. Quand on évoque Flaubert, on parle de descriptions. Qui dit descriptions, dit ennuyeux. Or c’est là, à mon avis, le génie de Flaubert. Ses descriptions sont loin d’être ennuyeuses. Cela grâce à un style, un rythme d’écriture, grandioses. Quand je parle de rythme d’écriture, je ne parle pas de rythme palpitant. Il s’agit plutôt d’une musicalité, d’une forme de poésie presque.

Flaubert aime l’exactitude, que ce soit dans le choix de ses mots ou encore dans ses descriptions en elles-mêmes. Flaubert visite les lieux que traversent ses personnages, prends un nombre incalculable de notes. Il va à Tunis pour pouvoir écrire ensuite Salammbô. Il va à Fontainebleau, où se rendra Frédéric, son héros de L’éducation sentimentale, il emprunte les routes qu’il lui fera emprunter, il remplit ses carnets d’anecdotes qu’il restitue dans son roman. Certaines paraissent anodines, voire inutiles, mais quelque chose de vrai s’en dégage. Il se sert également de ses souvenirs, notamment ceux de la révolution de février 1848, alors qu’il assiste aux combats et au saccage des Tuileries. Il relit les journaux de l’époque dans laquelle se déroule le récit (entre 1840 et 1851, hors les deux derniers chapitres), soit une vingtaine d’années plus tôt que (l’écriture du livre se fait entre 1864 et 1869).

Malgré tout, aussi méticuleux soit-il, il commet parfois des gaffes, comme par exemple lorsqu’il écrit au chapitre IV de la troisième partie : « Un commissionnaire l’attendait chez lui avec un mot au crayon, le prévenant que Rosanette allait accoucher. Il avait eu tant d’occupation, depuis quelques jours, qu’il n’y pensait plus. » En réalité, elle reste enceinte plus de deux ans (depuis le chapitre III de la troisième partie) dans le récit et c’est Flaubert lui-même qui l’a oubliée, l’avouant par-là à demi-mot. Mais ces quelques erreurs ne font, à mon sens, que rendre le génie qu’il est plus humain et par conséquent plus admirable.

Alors L’éducation sentimentale, de quoi ça parle ?

Ça parle de la vie d’un jeune homme, de ses espoirs et de ses désillusions. Mais aussi de ceux d’une génération, d’une société tout entière.

Frédéric Moreau, dix-huit ans, quitte Nogent pour Paris, à bord de la Ville-de-Montereau. C’est là qu’il aperçoit, dès les premières pages, Mme Arnoux, femme mariée, mère de deux enfants, dont il tombe immédiatement amoureux. Un amour qui durera tout le récit et qui dictera plus ou moins ses actes. Un amour impossible, brisé, vif comme au premier jour. Un amour qui ne varie qu’en apparence et qui est à mettre en parallèle avec la société de l’époque : nouvelles idéologies socialistes, révolution, chute de Louis-Philippe, instauration d’une IIème République dans laquelle les ouvriers mettent leurs espoirs. Déception de ceux-ci qui se conclut par le coup d’état du président Louis Napoléon qui garde le pouvoir et instaure un nouvel empire.

La deuxième moitié du récit est beaucoup plus « mouvementée » d’un point de vue historique que la première. Pour moi qui aime l’histoire, ces descriptions des journées de février 1848, le saccage des Tuileries notamment, m’ont beaucoup plu, de même que celles de juin de la même année.

Frédéric fréquente plusieurs milieux, aux convictions et intérêts divers, bourgeois, aristocrate, par exemple, dans lesquels il prend part à de multiples discussions politiques, avec des gens de tous bords. En fait Flaubert retranscrit par celles-ci les idées de l’époque, la société, son évolution, son ascension, sa chute. On pourrait penser qu’il  ne croit pas en l’avenir. Pourtant, on sent dans les deux derniers chapitres, une sorte de sérénité, un détachement, une maturité.

Bref. J’ai beaucoup aimé ce roman et il n’est vraiment pas évident d’en parler comme ça, sans trop en dévoiler. Le jour où le temps me le permettra, je crois que je le relirai, de même que les deux autres que j’ai déjà lus de cet auteur.

Si vous aimez lire pour la langue, sa beauté, si l’absence de suspens n’est pas un frein pour votre lecture, je vous conseille vivement ce roman.

Si vous l’avez déjà lu, qu'en avez-vous pensé ?

Publié dans Mes lectures

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