LCDS - Prologue - Extrait

Publié le par Roman Littleson

[…] Enfin, il se retrouva à l’entrée du domaine. Un épais nuage de particules consumées envahissait les lieux et empêchait de voir à quelques pas. Sur cet écran compact, venait se répandre la lumière orangée des gigantesques flammes qui ravageaient la chapelle et les écuries. Dansant dans les airs et fouettant le ciel, elles aspiraient dans leur ronflement les hurlements et les autres sons de la bataille toute proche. Impressionné, Pierre ralentit l’allure et s’engagea avec prudence dans la cour. C’était à l’autre bout que cela se passait.

Une forme ne tarda pas à apparaître, étendue sur le sol. Lorsqu’il fut à sa hauteur, Pierre reconnut à sa soutane blanche brodée d’or, le corps sans vie du prêtre de Frousseroy qui venait officier parfois au temple familial. Le sang avait coulé de sa poitrine transpercée, souillant l’habit sacré des serviteurs d’Odran. Malgré un frisson, le jeune homme ne s’attarda pas et il découvrit le palefrenier quelques pas plus loin. Adossé contre le puits, les jambes repliées, les bras ballants et la tête inclinée, l’homme aurait pu faire un simple somme si son crâne n’avait pas été fendu jusqu’au milieu de la figure. Retenant une nausée, Pierre continua doucement sa route, le cœur et les membres plus tremblants que jamais. Il appréhendait la prochaine horreur à laquelle il serait confronté et il crut que sa monture défaillit, alors qu’en réalité c’était sa tête qui tournait.

Brusquement, les chocs métalliques cessèrent tandis que les cris persistèrent. Des cris de femmes… Pierre en était maintenant tout proche et des ombres se dessinèrent sur l’écran de fumée, oscillant au rythme des flammes qui détruisaient le bâtiment principal. À présent il distinguait nettement la présence de cavaliers qui encerclaient deux autres personnes. L’une d’elle s’effondra à côté d’une masse imposante déjà à terre, qui n’était autre que celle du Baron. Son épouse venait de le rejoindre dans son trépas… Il ne restait alors plus que Jeanne, seule survivante hurlant d’effroi et couvrant sans le savoir, les pleurs incessants de son fils qui se trouvait tout près d’elle. Pierre, désemparé,  ne comprenait rien à ce qui se disait entre elle et ses agresseurs, mais les mouvements des uns et des autres à eux seuls lui suffisaient pour interpréter la scène. Les cavaliers menaçaient leur victime, l’acculant tour à tour à l’autre bout du cercle qu’ils formaient. Ils cherchaient quelque chose… Mais la jeune femme ne l’avait pas. Elle leur répondait en secouant la tête, les suppliait, implorait leur clémence, désespérée. L’un des agresseurs, leva enfin un bras vers le ciel en guise d’ultimatum. Jeanne, affolée, brandit les siens devant son visage comme pour se protéger, tout en lâchant des paroles incompréhensibles, étranglées au milieu de ses pleurs et de sa détresse. N’obtenant pas ce qu’il souhaitait, l’homme fit retomber brutalement sa main.

Pierre, témoin impuissant de cette scène d’horreur, était tétanisé. Celle-ci lui avait semblé d’une longueur insoutenable alors qu’en réalité tout était allé si vite… À présent seul le crépitement du brasier, mêlé aux cris du bébé se faisaient entendre. Le silence était revenu dès que l'épée du bourreau avait fait sauter la tête de Jeanne hors de son corps. À l'arrière, les gigantesques flammes consumaient le domaine de Frousseroy et leurs teintes rouges orangées coloraient la falaise, décor majestueux de ce théâtre infernal.

Cependant Pierre dut se ressaisir car sa présence venait d’être remarquée. […]

Publié dans LCDS - Extraits

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article